La vie est courte
Je m’appelle France, je suis d'un autre genre, peut être transgenre ou encore travestie, une Tgirl.
J’aurais pu dire
« trav », « travelot », « travesti » mais je n’aime pas ces
"sobriquets".
Beurk, beurk et rebeurk ! ...
Les esprits chagrins, dieu sait s'il y en a, y verront certainement une « déviance » malsaine. C’est aussi ce que je me dis certains jours ; c’est du grand n’importe quoi ! Mais bon, on a qu’une vie...
Compte tenu de mon vécu, je n’ai plus envie de me poser des questions de ce genre. Justement j’ai envie de nourrir ma vie restante avec des expériences diverses histoire de ne pas rester sur des regrets.
Je suis tombée là-dedans par hasard. Le hasard d’une rencontre avec un personnage tranquille, ordinaire, photographe amateur à ses heures perdues pour quelques clichés classiques, acceptée au tout début de mauvaise grâce mais me rappelant une époque où je posais pour du dessin d'art. Puis l’envie de faire des photos sortant du commun et le pli est pris.
Et pourtant, je ne fais pas partie de ces
personnes qui tôt dans leur enfance ont passé les petites culottes de leur petite soeur ou les collants de maman, pour voir ce que ça fait. Autrement dit, je n'ai pas d'évènement particulier en tête dans lequel je puisse trouver une quelconque justification qui m'ait amenée jusque là.
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Il va sans dire que le « féminin » est érotisé à outrance par les médias, ce qui ne fait qu’exacerber l’appétence masculine pour tout ce qui porte le cheveu long et une paire de talons.
Je ne pensais pas entrer dans le monde des bisounours certes, mais la confrontation de mon image avec le "public" fut surprenante et source de questionnements personnels.
Ce public, je suis allée le chercher comme les autres sur internet. Comme dans les kiosques à journaux, on trouve à profusion des sites diffusant photos, vidéos, annonces rencontres, du tchat, pour tous les âges bien sûr mais aussi pour tous les goûts.
Tout ceci est source d’un
business très organisé. Les investisseurs et développeurs ont bien compris la
nature humaine et que le « sexe » est une source de profit
intarissable. Bref, pathétique….. mais tellement vrai. Alors il ne faut pas se leurrer, sur internet, tout est permis mais ce qui y est proposé aurait pu être très sage or les utilisateurs en on fait un défouloir érotique assez pathétique.
Je suis une pipelette, j’adore le tchat. Mes discussions tardives m’ont permis de comprendre très tôt que les mecs sont majoritairement à la recherche d’une rencontre instantanée et ont la fâcheuse tendance de croire qu’ils vont pouvoir concrétiser leurs envies en 3 clics de souris. Inutile d’entrer dans les détails de leurs attentes profondes mais quelle que soit votre nature féminine, vous avez tôt fait de passer pour un objet de désir voire une prostituée.
On me demande souvent si je vis en tant que telle 24H/24H. Quelle bonne blague ! 1H30 devant la glace pour se farder avec des crèmes qui valent la peau des fesses et qui vous agressent l'épiderme, 1H pour défaire et tout ranger soigneusement. Des escarpins qui vous enserrent les pieds comme dans un étau, des sous-vêtements qui vous collent à la peau, une mode onéreuse, bien plus que la mode masculine. Non franchement, je n’envie pas la condition féminine pour ça.
A quoi bon alors ! Tout
simplement, le plaisir de se voir autrement, dans la peau de quelqu'un d'autre, mettre d’autres
vêtements, endosser une autre identité, de paraître plus jeune, accéder à
une mode qui nous est interdite et autrement plus variée que la mode masculine très "plan-plan".
Ce petit « jeu » aurait
pu se terminer rapidement mais le hasard a voulu que je rencontre quelques
personnes atypiques, compréhensives, respectueuses avec qui j’ai pu nouer des
relations d’amitié. Rien que pour ça, ça valait la peine de tenter l'expérience. Je ne cherche pas à être une femme je ne le serai jamais, ni à tromper mon monde mais je trouve grand plaisir à emprunter ce que je trouve de beau dans la féminité.
Mes aspirations d'aujourd'hui vont vers les
gens que je viens de citer avec qui j’ai envie de partager des moments de convivialité toute
simple. Alors certes, mon "enveloppe" ne me permet pas une totale liberté de
mouvement car la « différence » est source de curiosité souvent malsaine voire
de rejet. Bien que notre société ait fait des progrès, la communauté LGBT
trouve difficilement sa place dans un monde gouverné par des dogmes bien ancrés mais c’est valable pour votre couleur de peau, vos opinions ou
encore votre classe sociale.
Mon existence est paisible. Je me suis contentée au début de courts trajets pour voir des amis amies et faire quelques sorties à Limoges. Mes souhaits restent modestes, sortir dans un bar, se réunir autour d'un verre pour discuter, écouter de la musique, accessoirement partager un repas, un film, bref, des plaisirs simples de la vie. La Vie de Conchita Wurst n'est pas mon objectif. Néanmoins, n'allez pas croire que la communauté n'est pas organisée. Il existe ça et là de petits groupes constitués à l'initiative des plus entreprenantes d'entre-nous. J'ai la chance de faire partie de l'un d'eux et par là même sortir de ma naphtaline. Rien de plus réconfortant que de se retrouver au restaurant toutes ensemble, dans un parc public ou encore dans un musée.
Ma préférence va naturellement vers mes paires mais mon cercle d'amitiés comprends également de "belles" personnes masculines et féminines. A contrario, il y a autant de cons que de connes... la balance pour une fois est équilibrée.
France